Les hologrammes dans les concerts : un futur déjà présent ?

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Cet article invité a été rédigé par un étudiant dans le cadre de l’UE Veille du parcours de M1 Humanités et Industries Créatives option Journalisme culturel de l’université Paris Nanterre.

Pratique encore jeune et peu conventionnelle, l’utilisation d’hologrammes se fait tout de même de plus en plus remarquée sur les scènes de concert. D’où vient ce phénomène ? Comment et dans quel objectif s’installe-t-il progressivement dans notre manière de vivre la musique en live ?

On se souvient toutes et tous de Jean-Luc Mélenchon en 2017, qui, pour un meeting de campagne, se démultipliait au travers d’un hologramme dans une ville à l’opposée de celle dans laquelle il tenait son discours en chair et en os. Même si cette image n’a plus la même portée aujourd’hui, elle avait à sa sortie capté une partie du pays par son caractère novateur. Aujourd’hui, cette pratique se démocratise à une vitesse exponentielle un peu partout dans le monde, en particulier dans le milieu du spectacle et de la scène musicale, introduisant un rapport différent avec le public. Les artistes y voient une nouvelle forme de mise en scène. Mais si ces hologrammes sont pour la plupart du temps un simple apport à la scénographie, ils sont parfois la clé de voûte de la prestation. Nous sommes alors dans le droit de nous demander si cette pratique relève d’une réelle utilité ou si, au contraire, elle n’est que simple gadget ?

Un concept venu tout droit du Japon avec le phénomène Hatsune Miku

Dans l’industrie du spectacle musical, le Japon a toujours eu une longueur d’avance. Ils sont les rois de l’innovation et de la démesure, précurseurs dans l’univers du show-biz auquel ils attachent un attrait ferme pour le sensationnel. Là-bas, il y est d’ailleurs plus question de spectacle, d’image et de produit que d’art à proprement parler.

C’est suivant ce modèle qu’en 2007, il y a donc 13 ans, le pays voit émerger Hatsune Miku, personnage d’un logiciel de synthèse vocal (VOCALOID) devenant rapidement une icône musicale virtuelle, dont l’apparence et la voix ont été créés numériquement (à partir d’une voix humaine).

Depuis lors, cet avatar a conquis le cœur de plusieurs millions de personnes, et traverse aujourd’hui le monde entier. Sur scène, c’est un hologramme. Et même si à ses côtés, de vrais musiciens jouent en live, son apparence de personnage d’animé ne met pas en doute son inexistence. Il est acté qu’Hatsune Miku n’est pas réelle. Pourtant, beaucoup se sont épris d’elle, et n’imaginent pas leur vie sans. Son impact est tel que cet avatar a déjà collaboré avec des stars comme Pharell Williams et Lady Gaga. A ce jour, on compte plus de 100 000 morceaux à son actif, composés par des fans ou des musiciens professionnels. Si elle est la plus connue des hologrammes de concert, ce n’est pas la seule au Japon, puisqu’elle a permis l’émergence de produits musicaux similaires tel que le boys band virtuel ARP ou la pop star nommée IA, hologramme sophistiqué doté d’une intelligence artificielle.

En Europe, une utilisation plus discrète des hologrammes

Maintenant que l’on sait d’où vient le concept d’hologramme dans la musique live, intéressons-nous désormais à son utilisation en Occident, différente de celle du Japon. En Europe par exemple, il ne s’agit pas de créer de toutes pièces de nouvelles stars par le biais des hologrammes. Non, ces derniers sont davantage un élément de scénographie à part entière, permettant de rendre le concert plus vivant et animé. On pense par exemple aux shows musicaux très visuels du groupe britannique de musique électronique The Chemical Brothers, qui utilise de manière partielle des hologrammes pour rendre plus impactantes leur créations audiovisuelles.
En France, les récentes prestations live du chanteur et rappeur Lomepal se
sont vues épaulées par plusieurs hologrammes afin de faire apparaître virtuellement des invités ne pouvant être présents le soir-même. Ainsi, l’espace de quelques instants, le public a cru faire face au rappeur belge Jean-Jass par exemple, fidèle ami de Lomepal, dont la chorégraphie scénique ainsi que le couplet vocal furent enregistrés au préalable. Comme en témoigne ce tweet, l’illusion fut pour le moins réussie.

Encore en France, le chanteur Jean-Louis Aubert fait désormais ses concerts en compagnie de plusieurs hologrammes de lui-même. Cela consolide la prestation artistique, en la rendant encore plus vivante et spectaculaire. Amoureux de science-fiction, le chanteur a mis deux ans pour élaborer ce projet.
En Europe donc, on peut voir au travers de plusieurs exemples que la tendance à l’utilisation des hologrammes est celle d’un support visuel permettant de rendre visuellement attractif les concerts des artistes.

En Amérique, place aux morts vivants

Pour ce qui est de l’Amérique, une pratique se répand de plus en plus
concernant l’utilisation des hologrammes en concert : il s’agit de celle consistant à faire revenir les morts. Elvis Presley, Buddy Holly Whitney Houston, Tupac, XXX Tentacion… Autant d’icônes qui ont marqué l’histoire de l’Amérique et qui se voient aujourd’hui déterrer. Grâce aux hologrammes, ces artistes décédés reviennent sur le devant de la scène pour contenter des fans en manque. La pratique peut sembler quelque peu incongrue, mais existe bel et bien. Elle est d’ailleurs contestée par beaucoup, qui ne saisissent pas l’intérêt de ressusciter ainsi les morts, et qui voient cette pratique comme un affront à la mémoire de l’artiste concerné, intouchable selon certains.

Crédit photo : Danny Lawson

Pour le cas de Whitney Houston par exemple, “An Evening with Whitney Houston : the Whitney Houston Hologram Tour” est le nom de la tournée
entamée en début d’année mettant en scène un hologramme de la chanteuse décédée il y a peu. Technologie dernier cri, scénographie théâtrale, groupe live et danseurs sont au rendez-vous pour animer le show. L’hologramme est conçu selon les données de plusieurs images d’archives de la chanteuse, lesquelles sont apposées sur le corps d’une doublure aux grandes similitudes physiques avec Whitney Houston. Ainsi la magie opère. Certes efficace, ce procédé pose tout de même la question fatale de l’éthique. Si une partie s’offusque du caractère effrayant et insultant de cette pratique, d’autres y voient l’occasion de rendre sa musique immortelle en lui faisant traverser les époques.
A cette vitesse, nous pourrons bientôt assister à des concerts de grands compositeurs classiques morts il y a plusieurs centaines d’années. A vous de voir si cela vous angoisse ou au contraire vous fascine !

Léonard Pottier

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